La cueillette de pomme : Entre amour et haine

Je t'ai dit dans un précédent article que de cueillir des fruits et travailler à la ferme est une belle option pour gagner quelques sous tout en voyageant. Mais!
Si tu veux vraiment être bien payé, tu as intérêt à être efficace, je te le dis!
On nous met souvent ça beau : Dans l'ouest, il y a de l'argent à se faire.
.... mais il faut attacher sa tuque avec de la broche!
La réalité, c'est qu'à moins d'être franchement en forme ou d'avoir un don, ce ne sera pas véritablement payant avant 2, voire 3, saisons de picking.
On l'a essayé pour une courte période.
2 semaines, la tête dans les pommes.
*** C'est certain qu'un vrai cueilleur nous dira qu'on ne peut pas trop juger, et il aura raison.
On n'est entré qu'un court instant dans ce monde un peu à part.
Notre porte d'entrée était un québécois expatrié dans la vallée de l'Okanagan depuis plusieurs années. Comme il s'est blessé, il aide son fermier à trouver des remplaçants pour terminer la saison.
On a failli ne pas y aller.
(Ça n'a pas trop de lien avec la vie de cueillette, mais c'était une drôle de journée.)
Le destin semblait nous dire de ne pas prendre la route. On a dû prendre un détour de 2h30 pour éviter une route fermée pour cause de glissement de terrain.
Sur le détour, on est bloqué par un camion qui est sorti du chemin. Les copeaux de bois qu'il transportait ont pris feu! ....... 30 minutes d'attente.
Et une fois arrivés au village, on ne trouve pas la ferme, on tourne en rond pendant presqu'une heure à cogner aux portes en demandant si, par hasard, c'est ici où on doit se rendre. Parce qu'on n'avait pas la bonne adresse… .... ....
Tout ça pour dire qu'à 30 secondes de laisser tomber, je reçois enfin(!) un message de mon contact! Et c'est parti pour le verger.



Résumé de nos deux semaines
La beauté des paysages.
On se retrouve dans une vallée semi-aride. Au centre, le passage de l'eau permet à la vie de s'installer joyeusement. Sur les flans, on voit les restes d'un feu qui a sévi il y a quelques années. Les buissons et les cactus peinent à reprendre leur place. C'est officiellement un paysage du Far West.
On ne peut pas s'empêcher d'imaginer les premiers colons (après avoir traversé les forêts du Québec et de Long-tario, l'infinité des plaines, l'immensité des montagnes rocheuses) trouver cette petite oasis. Une vallée où ils pourront enfin s'installer et faire pousser de quoi nourrir leur nouvelle vie. Éloignés de tout ce qu'ils connaissaient.
Les pommes.
Et on commence la cueillette après une formation sommaire. Mûre vs pas mûre. Comment gérer l'échelle. Comment manipuler les pommes. On n'oublie pas de se laver les mains.
Le poids du sac. Comment est-ce possible que les sacs sont 4 fois plus lourds à la fin de la journée que le matin?
Est-ce que les pommes prennent en masse durant la journée? Peut-être qu'elles prennent des muscles en même temps que nous?
Sérieusement. Les pommes, on nous avait avertis, c'est lourd! (Et il parait que les poires, c'est encore pire…)
Nos épaules et notre dos prennent un coup.
C'est l'enfer.
Toute la journée, on doit déplacer l'échelle pour atteindre les pommes les plus hautes. Ensuite, on déplace et on recommence. Combien d'étages sont montés puis descendus dans une journée? Combien de kilomètres parcourus? Combien de livres de pommes ont reposé sur nos épaules?
On préfère ne pas le savoir.
La fatigue pendant la cueillette, l'épuisement à la fin.
Les collègues nous encouragent. Il parait que pour des débutants, on est pas mal! C'est dur à croire quand on les observe. Mais, ça fonctionne. On continue de malmener nos corps.
Après avoir tout donné pour terminer notre dernière bin, on achève la journée et on rentre au campement.
On n'a même pas la force de discuter avec le reste du crew. On va prendre un moment à deux, profiter de la chaleur de l'après-midi pour ne rien faire.
Fatigués, mais avec une fierté folle d'avoir survécu. D'avoir suivi la cadence. De ne pas avoir pleuré (Ça, c'est moi.).

La nuit.
Le vent ici est vraiment spécial. Après un après-midi brûlant à accueillir la moindre brise avec bonheur, le soleil se couche.
C'est presque automatique : la fraicheur s'installe, puis le vent souffle! Fort!
Dans la tente, c'est bruyant. Ça claque, les pommiers autour grincent. Les premières nuits, le sommeil est difficile à trouver.
Les matins frais.
Alors qu'il fait encore noir, l'alarme du cadran sonne. C'est le genre de matin où tout nous indique qu'on devrait rester au lit. Confortables dans les bras de son amour, au chaud.
Les vêtements sont humides, il fait encore noir (cr*$$!), notre corps nous en veut déjà pour notre première journée. Mais malgré tout ça, on y va. On s'habille. Petit café sur le réchaud. Quelques bouchées de déjeuner.

Dans 15 minutes, on aura droit à un magnifique lever de soleil.
Les biches avec leurs petits feront leur apparition entre les rangées de pommiers.
Une ribambelle de colins de Californie (une espèce de caille) passera tout près. viout!viout!viout!. (C'est le son qu'ils font dans mon souvenir)
Et nous, on enfile notre sac et on y dépose nos premières pommes. Prêts pour une autre journée de torture volontaire.
J'y retournerais demain avec plaisir!

